Newsletter 02/10

La libération de Nelson Mandela, il y a vingt ans

Il y a vingt ans, le 11 février 1990, Nelson Mandela recouvrait la liberté. En France ses qualités d'avocat, défenseur des droits civiques, avaient été reconnues, en 1985, par l'attribution du premier prix international des droits de l'homme Ludovic Trarieux alors qu'il se trouvait toujours détenu. Ultérieurement, les élèves de la promotion ENA de 1999-2001, le choisiront comme parrain, saluant ses innovations dans le champ des institutions démocratiques à l'issue de son mandat de président de la république d'Afrique du Sud (1994-1999).

Les mécanismes de transition, appliqués à la période post-apartheid, ont été nourris par son expérience et sa culture juridique d'avocat qu'il compléta par la lecture, la recherche et les débats avec ses codétenus durant ses longues années de prison, passées en particulier à Robben Island.

Le contexte de la formation juridique de Nelson Mandela

Diplômé de la faculté de droit de l'université de Witwatersrand de Johannesburg, il créera avec Olivier Tambo, en 1952, le premier cabinet d'avocats noirs en Afrique du Sud. Il tira parti de toutes les techniques procédurales de la common law, restées encore applicables durant le régime de l'apartheid installé depuis 1948, pour faire valoir les droits de ses clients poursuivis au titre des lois sur la ségrégation raciale. Le recours à la règle de l'habeas corpus, bien que de plus en plus réduit, pendant les enquêtes policières, l'usage de la cross-examination et de la plaidoirie incisive devant les tribunaux furent ses meilleures armes. Ces techniques furent utilisées avec habileté et courage lorsqu'il fut lui-même arrêté et jugé.

La notion de défense de rupture lui était étrangère, même si son engagement de citoyen, hors des tribunaux, s'exprimait avec force.

L'avocat Mandela affrontait les juges, en place sous l'apartheid, avec les textes issus de la tradition britannique, apportée par l'ancienne puissance tutélaire à laquelle ceuxci avaient été formés notamment en matière de procédure pénale. Ses démonstrations très solides servies par une grande présence pouvaient faire évoluer les plus réticents. Cette démarche préfigure son approche en faveur d'un processus de transition qu'il amorcera alors qu'il se trouvait toujours détenu. Dans ses mémoires, « Long walk to freedom », Mandela ne cache pas son admiration à l'endroit des institutions judiciaires et parlementaires nées à Londres. Il sait bien sûr évoquer le rôle de la Déclaration d'indépendance américaine et de la Déclaration française des droits de l'homme, mais sa formation initiale fut marquée par les grands textes britanniques sur les droits civiques et la tradition africaine du débat au sein des assemblées locales.

Rapidement, les conditions de son exercice professionnel deviendront de plus en plus difficiles. Ainsi, un juge devant lequel il devait défendre un client lui fit injonction, pour lui interdire l'accès à la barre, d'avoir à justifier sur le champ l'original de son certificat d'avocat. Il obtiendra l'annulation de cette injonction devant la Cour suprême.

Le procès comme laboratoire d'un processus transitionnel

Nelson Mandela sera poursuivi et arrêté presque sans discontinuer à compter de l'année 1956. Il apparaîtra comme l'une des grandes figures du procès pour trahison qui se déroula à Johannesburg de 1956 à 1961 pour se terminer, à la surprise du gouvernement, par un acquittement général. À l'occasion de ce procès, il avait saisi, sans recevoir de réponse, le premier ministre de l'époque en lui demandant de convoquer une convention nationale constitutionnelle. Ce voeu sera exhaussé trente ans plus tard. Nelson Mandela avait donc imaginé très tôt un mécanisme transitionnel.

La liberté recouvrée le 29 mars 1961 sera brève. Ayant quitté l'Afrique du Sud clandestinement, il fut arrêté à son retour le 5 août 1962. Dans son livre, retentit l'ordre du policier, sur lequel s'ouvre plus de vingt sept années de détention : "You're Nelson Mandela… and you are under arrest ".

Un procès de grande ampleur, sous le nom de " Rivonia ", allait commencer. Celui-ci devait constituer pour les autorités une revanche après l'échec du précédent de 1961.

Nelson Mandela déclara qu'il plaiderait non coupable et porta le débat sur l'instauration de la démocratie. Ce fut son vibrant plaidoyer du 30 avril 1964 qui clôtura les audiences : " Par-dessus tout, nous voulons l'égalité des droits politiques, car sans eux nos handicaps seront permanents ".

Sa conclusion, relayée par la presse internationale, impressionna : "J'ai chéri l'idéal d'une société démocratique et libre dans laquelle toutes les personnes vivent ensemble en harmonie et avec des droits identiques. C'est un idéal que j'espère atteindre et vivre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir ". Le verdict rendu le 12 juin 1964 écartait la peine capitale et prononçait une peine d'emprisonnement à vie.

Ainsi le message de Nelson Mandela projetant l'idéal d'institutions communes n'avait pas été brisé. Il parvint à l'amplifier, fort d'une reconnaissance internationale accrue par le procès « Rivonia », durant toute sa détention en devenant progressivement l'interlocuteur principal des autorités sudafricaines résolues à la fin des années 1980 à démanteler le régime de l'apartheid.

La création de la Commission Vérité et Réconciliation

À côté et peut-être au-delà de la nouvelle constitution – fruit d'un large consensus introduite par une Charte des libertés et créant une Cour constitutionnelle accessible aux recours individuels – fut mise en place par une loi de juin 1995 une Commission Vérité et Réconciliation, soit un an après la prise de fonction de Nelson Mandela à la Présidence de la République à l'issue des premières élections au suffrage universel du 27 avril 1994.

Elle fonctionna de 1996 à 1998, sous la présidence de Desmond Tutu, prix Nobel de la paix, ancien archevêque du Cap, autour de trois organes : le Comité des violations graves aux droits de la personne, celui de l'amnistie et celui des réparations.

Souhaitée par Nelson Mandela, cette innovation, au regard des formules judiciaires de droit commun, privilégiait le dévoilement public des faits commis pendant la période 1960-1994 de l'apartheid, avec une diffusion quotidienne de toutes les auditions à la télévision. L'amnistie fut rejetée dans la grande majorité des cas.

Acte de foi dans l'humanité, compromis institutionnel pour certains ou pour d'autres réponse non proportionnée, elle représente incontestablement un apport essentiel aux mécanismes de résolution des conflits.

Solidarité avec Haïti

Le Comité Français pour l'Afrique du Sud a exprimé sa solidarité avec Haïti, après le séisme survenu le 12 janvier 2010, en adressant un don à la Croix Rouge Française qui apporte sur place une aide logistique.

Lilian Thuram, Mes étoiles noires

Lilian Thuram, 142 fois sélectionné dans l'équipe de France de football, a été champion du monde en 1998, champion d'Europe en 2000 et vice-champion du monde en 2006.

Il a lancé, en 2008, sa fondation pour l'éducation contre le racisme et vient de publier un ouvrage pédagogique et de référence : "Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama", Éditions Philippe Rey.

Eric Miyeni, A letter from Paris

À l'occasion de sa visite à Paris, au mois d'octobre 2007 pour prendre part au colloque "Sport et Intégration" du Comité Français pour l'Afrique du Sud, Eric Miyeni, écrivain et acteur (Cry the beloved country) va établir une série de textes au ton enlevé, illustrés de ses propres photos, en noir et blanc, faisant découvrir un Paris souvent insolite.

Un ouvrage plein d'esprit, très réussi (2010, Pan Macmillan, Afrique du Sud)

Succès du film Invictus à Paris et en France

Pour sa première semaine d'exploitation en France, "Invictus", le nouveau film réalisé par Clint Eastwood avec Morgan Freeman dans le rôle de Nelson Mandela et Matt Damon en capitaine de rugby de l'équipe des Springboks, a totalisé 866.723 entrées (en 450 salles à travers l'Hexagone). Aujourd'hui, après trois semaines, le nombre total d'entrées s'établit à 1.909.057.

Clint Eastwood délivre un message positif et essentiel sur la Nouvelle Afrique du Sud issue des élections libre au suffrage d'avril 1994 qui suscita un immense espoir à travers le monde. Plus qu'un film sur Nelson Mandela - incarné à la perfection par Morgan Freeman - il s'agit d'une réflexion sur le rôle politique et fédérateur du sport au sein d'une nation. Les Springboks symbole de l'apartheid autrefois réussissent à transcender l'histoire aux côtés de Mandela et deviennent l'une des vitrines emblématiques de l'Afrique du Sud. Le point de vue de la garde rapprochée de Nelson Mandela qui a dû intégrer d'anciens barbouzes du Président précédent est très efficace et astucieux, cependant Clint Eastwood, ne se prive pas pour employer la manière forte et le film perd parfois en finesse. Il effectue également une bonne opération de promotion à l'aube de la Coupe du Monde de football qui a lieu en Afrique du Sud cette année, où l'on célèbre également le 20ème anniversaire de la libération de Nelson Mandela